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Par Volker Schmidt, Senior Portfolio Manager chez Ethenea
Les emprunts indexés sur l’inflation et les obligations vertes allemandes devraient faire l’objet d'une demande soutenue.
En 2008, l'Agence des finances de la République fédérale d'Allemagne a lancé une vaste campagne médiatique avec pour mascotte une tortue appelée Günther Schild, dans le but de faire la promotion de ses Bundesschatzbriefe (obligations d'épargne fédérales). Toutefois, à l’époque, les produits favoris de Günther Schild n’ont pas réussi à séduire les investisseurs particuliers en raison de la faiblesse des taux d’intérêt. Fin 2012, l’État a cessé d'émettre des Bundesschatzbriefe et mis également un terme à la carrière publicitaire de Günther Schild. Au grand dam de ses fans, qui, tout à leur chagrin, publièrent même un avis de décès sur Internet.
Presque 10 ans se sont écoulés depuis. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les investisseurs particuliers ne détiennent plus d’emprunts fédéraux allemands, dont les rendements sont négatifs sur l’ensemble de la courbe. Mais pour engranger des gains sur des obligations à rendement négatif, il vaut mieux être un peu joueur non ? En fait, pas nécessairement. Les investisseurs qui, en janvier, ont acheté le nouveau bon d’État allemand à 10 ans, assorti d’un coupon zéro et d'un rendement à l'émission de -0,25 %, bénéficient actuellement d’une belle appréciation du titre. La BCE, qui ne craint pas les rendements négatifs dans la mesure où l’argent qu’elle utilise est mis à sa disposition par les banques à des taux encore plus négatifs, est désormais le plus important détenteur de dette fédérale, avec au moins 30 % de toutes les obligations allemandes. Pour parvenir à cela, Berlin n’a pas eu besoin de lancer d’autre campagne avec Günther Schild, et la BCE continuera d’acheter des emprunts d'État allemands à l’avenir dans le cadre de ses programmes.
Obligations vertes
L’Allemagne accélère massivement son recours à l’emprunt en ce moment, car c’est le tribut à payer pour financer les dépenses supplémentaires consacrées à la lutte contre la crise du coronavirus. 122,5 milliards d’euros de nouvelles dépenses ont été décidées dans un premier temps par l’État fédéral en mars 2020, auxquelles se sont ajoutés 33,5 milliards d’euros de manque à gagner fiscal. En juin 2020, l’Allemagne a voté un deuxième budget additionnel reflétant de nouvelles dépenses et des pertes de recettes fiscales plus fortes que prévu. Au total, l’emprunt net fédéral en 2020 est estimé à 218,5 milliards d’euros.
Dans cette optique, l'Agence des finances allemande, en charge des émissions de dette publique, a pris les mesures qui s'imposaient. Les émissions ont augmenté dès le deuxième trimestre 2020, avec, pour la première fois, le lancement d’emprunts d’État à 7 ans et 15 ans. Au cours des prochains mois, l’émission d’emprunts indexés sur l’inflation, dont la dernière émission remonte à 2015, devrait reprendre. De plus, la toute première émission d’une obligation fédérale « verte » est prévue au mois de septembre. Le cadre régissant les projets financés, et qui réglemente les exigences en matière de documentation et de contrôle, a récemment été publié.
La possibilité d'une nouvelle appréciation des cours ne peut jamais être totalement exclue
Les investisseurs tenant compte de critères ESG dans leurs portefeuilles seront demandeurs d’obligations vertes même avec des rendements négatifs. Les emprunts indexés sur l’inflation devraient également faire l’objet d'une demande soutenue, car nombreux sont les investisseurs à prévoir un retour de l’inflation dans le sillage des programmes massifs de relance des autorités budgétaires et monétaires. Nul doute que pour ce nouveau type de produits, les services de Günther Schild ne seront pas non plus nécessaires.
Chez ETHENEA, seules des circonstances exceptionnelles nous amènent à investir dans des obligations à rendement négatif. Par exemple, il peut arriver qu’un investissement en obligations souveraines allemandes soit justifié à des fins de couverture lors de situations de crise. Pour autant, nous considérons qu’investir dans des obligations à rendement négatif est assez similaire à l’achat d’actions technologiques chères, car dans les deux cas, la possibilité d'une nouvelle appréciation des cours ne peut jamais être totalement exclue. Quoi qu'il en soit, nous ne pourrons pas encore constater les potentiels impacts inflationnistes des super-programmes de relance budgétaires et monétaires cette année. À l’heure actuelle, le sentiment est plutôt dominé par la crainte d'une deuxième vague de contaminations risquant de nuire à nouveau à la demande (en biens et en services.)