Craintes de récession
Les craintes de récession mondiale hantent les marchés. Les gérants de portefeuille d'Ethenea commentent l'environnement actuel et donnent des précisions quant au positionnement de leurs fonds.
Le mois dernier, les craintes d'une récession mondiale ont nettement repris le dessus. Les États-Unis ont même annoncé une contraction de leur activité économique pour le deuxième trimestre consécutif, ce qui, selon les critères classiques, correspond à la définition d'une récession. En revanche, malgré de nombreux mauvais augures, la conjoncture dans la zone euro reste positive, avec une performance particulièrement forte des destinations de vacances classiques du Sud.
La forte baisse des rendements à long terme est également un signe très notable de l'arrivée d'une récession. Par exemple, le rendement des obligations d'État allemandes à 10 ans est passé de 1,75 % en juin à 0,85 %. « Nous avons également été surpris par la force de la correction des rendements, car après tout, l'inflation a atteint de nouveaux records en Europe et aux États-Unis, » dit Volker Schmidt, Senior Portfolio Manager chez Ethenea.
Après plusieurs mois consécutifs d'inflation record, la BCE a enfin agi – ou plutôt réagi – en juillet en relevant ses taux pour la première fois depuis plus de dix ans. « C’est un pas dans la bonne direction, qui pourrait lui donner une certaine marge de manœuvre pour de nouvelles hausses de taux, tout en prévenant les risques de dislocation du marché. La situation reste toutefois particulièrement tendue pour la BCE, qui est prise entre les risques de stagflation, de récession et de tensions politiques au sein de la zone euro, » dit Andrea Siviero, Investment Strategist chez Ethenea.
La faiblesse de l'euro ne profite pas aux exportateurs
La récente dépréciation rapide de l'euro affecte les perspectives d'inflation et nuit aux consommateurs européens. Selon Andrea Siviero, la divergence des politiques monétaires est l'une des principales raisons de l'affaiblissement de l'euro. « Une action résolue de la BCE pourrait contribuer à un euro plus fort et protéger ainsi la zone euro d'une nouvelle accélération de l'inflation. »
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, un euro faible par rapport au dollar américain ne profite actuellement pas aux exportateurs européens et n'est pas non plus avantageux pour l'UE en général. Philip Bold, Portfolio Manager chez Ethenea : « Les exportations de biens et de services vers les pays hors zone euro représentent généralement une part substantielle du PIB – environ 20 % en 2021. Toutefois, seule une fraction de ce montant (environ 15 %) est destinée aux États-Unis. La comparaison avec un panier de devises plus large et pondéré par les échanges commerciaux est donc plus représentative pour évaluer la compétitivité de l'euro. Le taux de change EER-421 publié par la BCE constitue à cet égard la bonne référence. Il prend en compte l'intensité des échanges commerciaux avec les 42 principaux pays partenaires de l'Union monétaire. Contre ce panier de devises, l'euro n'a perdu qu'environ 4 % entre le début du déclenchement de la guerre et l’atteinte de la parité EUR/USD. La compétitivité de l'euro gagnée sur le plan international est donc bien moindre que ne le suggère l'évolution de la paire de devises EUR/USD. »
De plus, la faiblesse de l'EUR/USD présente un inconvénient majeur. Philip Bold : « L'énergie et les matières premières sont généralement cotées en USD. Le double poids de l'augmentation des coûts de l'énergie et des matières premières et du renchérissement du dollar devrait plus que compenser le léger avantage concurrentiel lié à la faiblesse générale de l'euro. Ainsi, la parité EUR/USD n'est pas non plus une raison de se réjouir, même pour les Européens qui exportent beaucoup. »
À quelle récession faut-il s'attendre ?
Les investisseurs font confiance aux banques centrales pour s'occuper en premier lieu de la maîtrise rapide et efficace de l'inflation. « Cela se reflète, par exemple, au niveau des prix des obligations d'État à 10 ans protégées contre l'inflation, » dit Volker Schmidt. « Ici, les attentes à long terme pour l'inflation moyenne au cours des dix prochaines années sont à peine supérieures à 2 %, tant en Allemagne qu'aux États-Unis. La plupart des économistes s'attendent également à un net ralentissement de l'inflation en 2023. Si, en plus, l'économie mondiale entre en récession, les banques centrales pourraient effectivement mettre de nouveau des baisses de taux à l'ordre du jour dès 2023. La Réserve fédérale américaine voit en tout cas son taux neutre à long terme à 2,5 % – un niveau qui devrait être dépassé dès septembre 2022, ce qui permettrait des baisses de taux ultérieures. »
Mais à quel type de récession devons-nous nous attendre ? Le chômage est à un niveau bas et on recherche partout du personnel qualifié et auxiliaire. Volker Schmidt : « Ailleurs, les grands groupes technologiques annoncent des gels d'embauche ou déjà des licenciements. Un ralentissement de la croissance économique nous semble également probable, peut-être même une récession technique en Europe, qui est définie par deux trimestres consécutifs sans croissance économique. Mais va-t-on voir aussi un "atterrissage brutal" avec des taux de chômage en nette hausse ? Nous en doutons. »
Un positionnement prudent
Dans ce contexte, la gestion de portefeuille du fonds Ethna-DEFENSIV d'Ethenea reste prudente : « Notre plus grande conviction actuelle est sur les devises. En conséquence, nous avons de nouveau augmenté la part du dollar américain à 25 % et restons également investis dans le franc suisse et la couronne norvégienne. Nous ne prenons que très peu de risques liés aux variations des taux d'intérêt. La duration moyenne du portefeuille d'obligations est très faible, à 3,2. Couplée à une qualité élevée – notation moyenne AA – nous réduisons ainsi le risque de hausse des primes de risque pour nos obligations d'entreprise. Par des opérations de couverture de taux d'intérêt au moyen de contrats à terme, nous avons en outre réduit le risque de variation des taux d'intérêt. »
« Dans le contexte d'une inflation toujours élevée, nous considérons que des rendements bund/treasury de 1 % ou 2,75 % n'ont pas de sens, » ajoute Senior Portfolio Manager Michael Blümke, qui gère le fonds multi-actifs phare d'Ethenea, Ethna-AKTIV.
Du côté des actions, Michael Blümke n'adhère pas à la théorie selon laquelle nous avons déjà atteint le plancher. Avec la hausse des taux d'intérêt, les actions perdent leur statut d’unique placement à risque possible, dit Christian Schmitt, qui gère le fonds EthnaDYNAMISCH. « En outre, les perspectives de bénéfices des entreprises - à l'exception du secteur de l'énergie - s'affaiblissent en termes économiques réels. Les facteurs négatifs de cette saison de publication des résultats – inflation des coûts, baisse de la demande des consommateurs, force du dollar – devraient se poursuivre au second semestre. Les perspectives actuelles des entreprises sont par conséquent moyennes. »
Certes, l'évolution des cours du premier semestre sur les marchés des actions a déjà anticipé beaucoup de choses et les niveaux de valorisation sont, d’après les critères, tout à fait modérés à nouveau. « En raison de facteurs globaux qui, pour simplifier, restent mal orientés, nous continuons malgré tout à nous attendre à un environnement difficile et volatil cet été, » dit Christian Schmitt. « C'est pourquoi nous restons prudents et avons récemment réduit de manière contra-cyclique – pendant la hausse du marché début juillet – notre exposition aux actions d'environ 40 % à 30 % au moyen d'instruments de couverture dans Ethna-DYNAMISCH. Parallèlement, nous continuons à miser sur une augmentation du ratio de liquidités (environ 65 % en tenant compte des positions proches de la trésorerie et des couvertures d’actions) comme gage de stabilité dans un environnement de marché tendu. »
1 https://www.ecb.europa.eu/mopo/eaec/eer/html/index.en.html