Laisser derrière nous l’« annus horribilis »
Par Andrea Siviero, Investment Strategist, Ethenea
L’année qui vient de s’écouler restera gravée dans les mémoires comme celle durant laquelle le virus Sars-CoV-2 a infecté plus de 50 millions de personnes. Jamais la société mondialisée d’aujourd’hui n’avait connu une telle crise. Notre scénario pour 2021.
2020 a été une « annus horribilis » (année horrible). À l’exception de la Chine, parvenue à maîtriser la propagation du COVID-19, l’ensemble des pays du monde (tant émergents que développés) devraient enregistrer une croissance annuelle très inférieure à celle de 2019.
Notre scénario de base pour 2021 anticipe une reprise économique progressive, soutenue par les avancées dans la mise au point de vaccins efficaces contre le COVID-19 et par la prolongation des mesures de soutien économique. Toutefois, cette reprise devrait être inégale et non synchronisée d’une région et d'un pays à l’autre. Selon nous, les pays qui s’en sortiront le mieux seront ceux qui, d'une part, auront le mieux ramené sous contrôle la pandémie, et qui, d’autre part, seront le plus à même de surmonter ses dégâts sur l’économie. Cela dépendra dans une large mesure de la possibilité de mettre en place suffisamment d’aides publiques et de la flexibilité des économies.
Il est cependant probable que les conséquences de la crise se fassent encore fortement ressentir à moyen terme. L'épargne de précaution augmentera certainement, tandis que les dépenses de consommation devraient rester modestes encore quelque temps, en particulier dans le secteur des services et les autres activités affectées par les mesures de distanciation sociale. L’incertitude persistante et les difficultés financières auront des répercussions sur les investissements des entreprises, tandis que le marché du travail mettra également du temps à se redresser. Par conséquent, le rebond prévu de la conjoncture mondiale en 2021 (entre +4,5 % et 5,5 %) pourrait être suivi d'une trajectoire de croissance modérée.
Trois aspects devraient jouer un rôle important en 2021
La mise au point de vaccins contre le COVID-19
Selon nous, une plus grande volatilité à court terme est à prévoir en attendant l’administration systématique de vaccins efficaces dans l’ensemble du monde. Une fois la situation normalisée, la surperformance sera déterminée par la dynamique de la croissance économique et les perspectives de bénéfices des différents secteurs.
La Présidence de Joe Biden
Le " blue sweep " - à savoir les Démocrates occupant la présidence et les deux chambres du Congrès - est initialement considéré comme positif pour les marchés, car il est probable que les Démocrates apporteront à l'économie américaine un stimulus fiscal plus important. Toutefois, les marchés devront trouver un équilibre entre les effets positifs de la relance et le risque que l'administration Biden soit plus susceptible de faire adopter certains des points les plus controversés de son programme de campagne, tels que l'annulation des réductions d'impôts sur les sociétés ou l'imposition de lois antitrust plus strictes. En politique étrangère, Joe Biden devrait adopter une posture moins controversée et plus conciliante que celle de Donald Trump. Son gouvernement reviendra probablement sur quelques décisions de son prédécesseur. Une amélioration est à prévoir dans les relations avec les principaux partenaires commerciaux (UE, Canada et Mexique, par exemple), qui s'étaient tendues dernièrement. Dans les relations avec la Chine, les changements devraient être assez peu nombreux dans l’immédiat, mais nous pensons que l’approche du nouveau gouvernement sera plus fiable et plus organisée, de telle sorte qu’un nouvel embrasement du conflit commercial devrait être évité.
Mesures de soutien économique
Les mesures de soutien monétaire et budgétaire joueront également un rôle clé pour la croissance en 2021. Au même titre que le déploiement de vaccins efficaces et fiables, le maintien d’une coordination étroite entre politique monétaire et budgétaire pourrait se révéler décisif pour sortir l’économie mondiale de la récession et épargner aux économies avancées occidentales de connaître un sort « à la Japonaise ». Il sera intéressant de voir si et comment les banques centrales, dans le contexte du niveau très élevé de la dette publique et privée, parviendront à retirer leurs mesures de soutien et à durcir leur politique monétaire une fois que l’économie se sera durablement redressée.
Un environnement relativement propice à une reprise mondiale synchronisée
Qu’est-ce que cela signifie pour les marchés ? En cas de déploiement réussi de vaccins à l’efficacité démontrée contre le coronavirus, nous prévoyons un environnement relativement propice à une reprise mondiale synchronisée au second semestre. Ces vaccins, conjugués à une politique économique expansionniste et à l’assouplissement des restrictions liées au COVID-19, devraient favoriser un regain de l’appétit pour le risque des investisseurs et une ascension des marchés actions, mais également des autres actifs risqués, y compris les obligations d’entreprises et les titres à haut rendement. Ce scénario serait également favorable aux pays émergents, dont les économies devraient bénéficier de la reprise d’entrées de capitaux. Par ailleurs, après les niveaux très faibles atteints pendant la crise du coronavirus, les rendements des emprunts d’État devraient se redresser. Au regard du niveau anémique de l’inflation, de l’incertitude entourant les perspectives économiques et de l’importance de la dette, les banques centrales devraient pourtant se montrer (très) prudentes et retarder le moment de relever leurs taux, évitant ainsi une hausse des rendements susceptible de freiner prématurément la reprise. Par conséquent, nous ne prévoyons qu'une pentification modérée des courbes de taux dans les pays développés.
Ce scénario est néanmoins exposé à de nombreux risques.
- Une accélération des contaminations dans le monde. Celle-ci entraînerait un accroissement des hospitalisations et pourrait obliger les gouvernements des régions les plus touchées à adopter de nouvelles mesures de confinement plus strictes et plus longues, ralentissant et mettant en péril la reprise économique.
- Un retrait prématuré des politiques de soutien. Un durcissement précoce des politiques monétaires aurait lui-aussi des effets très négatifs sur les économies mondiales et les marchés financiers particulièrement vulnérables dans un contexte de creusement de la dette.
- Risques géopolitiques. Il s’agit notamment de l’hostilité grandissante envers la Chine, des conséquences de l’accord commercial du Brexit sur les relations futures entre le Royaume-Uni et l’UE, de l’instabilité au Proche-Orient et en Asie du Sud-Est (y compris en Corée du Nord), ainsi que des tensions potentielles entre États-membres de l’UE dans le cadre de la politique de concurrence et de l’utilisation des ressources prévues dans le plan de relance européen.
Nous partons du principe que le scénario positif devrait se maintenir pendant environ le premier semestre 2021. S’il s’avère qu'un des risques évoqués plus haut se matérialise, nous pourrons alors ajuster notre scénario. Quoi qu'il en soit, 2021 devrait être une année plus favorable, tant pour l’humanité que pour l'économie mondiale. Seul le temps nous dira si les marchés peuvent aussi escompter une « annus mirabilis » (année merveilleuse).