L'économie mondiale reste en baisse
Par Michael Blümke, Senior Portfolio Manager chez Ethenea
La hausse des salaires réels et des prix de l’énergie continue d’alimenter une inflation élevée, mais les banques centrales en ont terminé avec le cycle de resserrement monétaire ou s’en approchent. Le risque de contagion posé par les difficultés du secteur immobilier chinois est réel, mais les mesures budgétaires et monétaires ciblées suffisent pour l’instant à endiguer le problème.
La politique monétaire restrictive et l’inflation durablement élevée continuent de peser sur l’économie mondiale. Même si la croissance ralentira de nouveau le dernier trimestre de l’année, rien n’indique une récession imminente. La situation de l’emploi reste tendue : le nombre de postes vacants diminue progressivement et le taux de chômage augmente lentement. Alors que la confiance des consommateurs semble se stabiliser à un bas niveau, les attentes concernant l’activité économique future restent moroses.
Après avoir sensiblement reculé au premier semestre, l’inflation globale repart à la hausse, en raison des effets de base d’une part, et de la hausse des salaires réels et le soutien budgétaire massif d’autre part. Par ailleurs, la flambée des prix du pétrole remet sérieusement en question le processus de désinflation et le scénario de croissance. Les banques centrales des économies avancées maintiendront durablement les taux d’intérêt à un niveau élevé, sans perspective de baisse des taux dans les trimestres à venir.
États-Unis : l’offre et la demande se rapprochent sur le marché de l’emploi
Malgré les révisions à la baisse des mois précédents, la croissance du PIB américain a bien résisté en septembre, faisant une nouvelle fois mieux que d’autres économies avancées au troisième trimestre. La politique monétaire restrictive et le durcissement des conditions de crédit freineront la croissance dans les trimestres à venir, mais la probabilité d’un atterrissage en douceur reste intacte compte tenu des chiffres de croissance et d’inflation actuels. Le soutien budgétaire massif, la bonne situation financière des ménages privés et la stabilité du marché de l’emploi y contribuent. Les indicateurs avancés correspondants viennent renforcer ce constat : l’expansion du secteur des services ralentit, tandis que le secteur manufacturier affiche une légère amélioration malgré la contraction de l’activité. En septembre, la confiance des consommateurs a reculé pour le deuxième mois d’affilée. Mais dans la mesure où les ménages puisent dans leur épargne pour consommer, les ventes au détail résistent bien.
Le ralentissement observé sur le marché de l’emploi suit son cours : l’offre et la demande se rapprochent, la croissance des salaires ralentit. Le processus de désinflation n’est pas encore achevé. La récente hausse des prix de l’énergie au mois d’août s’est traduite par une accélération de l’inflation globale (+3,7 % par rapport à l’année précédente). La Réserve fédérale américaine (Fed) a accompli de nets progrès dans la lutte contre l’inflation. Mais en décidant de faire une pause « hawkish » en septembre, la Fed a souligné, au moins verbalement, la nécessité de nouvelles hausses de taux si une réaccélération de la demande devait mettre en péril le processus de désinflation.
Zone euro : menace d’une stagflation
Le ralentissement rapide de la croissance, l’inflation tenace et un baril à près de 100 dollars font à nouveau planer la menace d’une stagflation dans la zone euro. La Commission européenne et la BCE ont toutes deux revu à la baisse les prévisions de croissance du PIB pour 2023 et 2024, et relevé leurs anticipations d’inflation. Avec une progression de seulement 0,1 % en rythme trimestriel, les chiffres du PIB de la zone euro au deuxième trimestre sont ressortis nettement inférieurs aux attentes initiales. Le recul sensible des exportations, qui reflète le bas niveau des commandes dans l’industrie, en est le principal responsable. L’évolution en Allemagne et en Italie est particulièrement mauvaise.
La confiance des consommateurs européens s’est stabilisée sous l’effet de la hausse des salaires réels, mais reste faible. Malgré un taux de chômage historiquement bas, la consommation des ménages privés continue de reculer. Compte tenu de la dégradation du climat des affaires et de la stagnation de l’indice des directeurs d’achats dans la zone de contraction, les attentes de croissance au troisième trimestre se situent aux environs de 0 %. Les taux d’intérêt élevés et le durcissement des conditions de crédit freinent la croissance. En septembre, la BCE a relevé le taux des dépôts à 4 %, mais l’inflation sous-jacente toujours trop élevée (4,5 %, en baisse de 0,8 % en rythme mensuel), la hausse des salaires réels et la fragilité de l’économie lui compliquent sérieusement la tâche.
Chine : dans l’attente d’une reprise endogène
De nombreux experts économiques ont récemment abaissé les prévisions de croissance du PIB chinois pour 2023 en dessous de l’objectif officiel de 5 %. La reprise était encore peu palpable en septembre, mais les autorités chinoises continuent de soutenir l’économie à l’aide de mesures fiscales et monétaires ciblées. La Banque populaire de Chine a une nouvelle fois abaissé les taux directeurs et les réserves obligatoires. Les mesures visant à restaurer la confiance, à promouvoir les investissements et la consommation et à soutenir le secteur immobilier en difficulté ont en outre été renforcées. Les incitations politiques commencent à faire effet, mais il faudra attendre encore un peu avant d’atteindre une reprise endogène.
D’un côté, la demande intérieure, la production industrielle et les ventes au détail ont augmenté, mais d’un autre côté, les difficultés du secteur immobilier (et le potentiel risque de contagion), la morosité de la demande internationale et les tensions commerciales persistent. Alors que les prix à la consommation sont timidement revenus en territoire positif (+0,1 % en rythme annuel), les prix à la production restent négatifs (– 3 %).