L'économie mondiale reste en baisse
Par Michael Blümke, Senior Portfolio Manager chez Ethenea
La hausse des anticipations d’inflation et les tensions géopolitiques pèsent sur la croissance mondiale. L’économie américaine résiste bien, tandis que la zone euro affiche des statistiques conjoncturelles décevantes. Les banques centrales occidentales en ont très vraisemblablement terminé avec le cycle de resserrement monétaire. La croissance chinoise continue de souffrir de la crise immobilière, mais les incitations monétaires et budgétaires commencent à porter leurs fruits.
La politique monétaire restrictive et l’inflation durablement élevée continuent de peser sur l’activité économique mondiale. Les tensions géopolitiques et les restrictions aux échanges pénalisent le commerce international. Le FMI a maintenu ses prévisions de croissance mondiales inchangées à 3 % pour 2023 et les a légèrement revues à la baisse pour l’année prochaine (2,9 %). Les perspectives pour les États-Unis se sont légèrement améliorées, tandis qu’elles se sont dégradées pour l’Europe et la Chine. Les indicateurs avancés confirment cette tendance. Malgré la légère hausse des taux de chômage, les marchés de l’emploi restent historiquement tendus. Bien qu’elle soit orientée à la baisse, l’inflation globale n’atteindra pas la cible visée par les banques centrales avant un certain temps en raison de l’atténuation des effets de base positifs, du dynamisme de l’emploi, de la hausse des salaires réels et du maintien des incitations budgétaires. En conséquence, les taux directeurs des économies avancées se maintiennent à des niveaux historiquement élevés ou très proches de ceux-ci. Mais dans la mesure où de plus en plus d’éléments laissent à penser que le taux d’intérêt neutre (taux auquel la politique monétaire n’est ni accommodante, ni restrictive) pourrait être plus élevé qu’avant la pandémie, la politique monétaire devra rester durablement restrictive.
Malheureusement, ce niveau est sujet à hypothèses, lesquelles ne pourront être validées qu’a posteriori. Des baisses de taux ne sont donc pas envisageables pour l’instant. Toutefois, si la politique monétaire restrictive devait déclencher une récession, des baisses de taux pourraient intervenir très rapidement. Mais ce n’est pas notre scénario de base à l’heure actuelle.
États-Unis : la confiance des consommateurs en recul
La conjoncture américaine continue de faire preuve d’une étonnante résistance. Au troisième trimestre, la croissance s’est inscrite en hausse de 4,9 % en rythme annuel par rapport au trimestre précédent. Au mois d’octobre, les indicateurs avancés se sont légèrement améliorés, que ce soit dans le secteur manufacturier ou dans les services, et annoncent une expansion modérée dans les mois à venir. Le marché de l’emploi se détend progressivement avec un meilleur équilibre entre l’offre et la demande. Il reste un pilier fondamental de la consommation, ce que confirme la hausse des ventes de détail. Compte tenu du soutien budgétaire massif, de l’évolution saine des revenus et de la solidité de l’emploi, rien ne laisse présager une récession. Mais l’économie américaine fait également face à des difficultés qui pourraient assombrir l’horizon dans les trimestres à venir : conditions de financement restrictives, accords salariaux élevés dans le secteur automobile, hausse des cours du pétrole, possible « shutdown » en novembre et explosion du déficit budgétaire (hausse de 23 % à 1.700 milliards de dollars en rythme annuel), etc.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la confiance des consommateurs se soit inscrite en recul en octobre pour le troisième mois consécutif. Le nouveau durcissement des conditions financières en octobre soutient la Réserve fédérale américaine dans sa lutte contre l’inflation. Dans le même temps, les risques de resserrement excessif ont augmenté et doivent désormais être mis en balance avec la nécessité de nouvelles hausses de taux pour enrayer l’inflation. Mais face aux anticipations d’inflation qui augmentent, la Fed doit agir avec précaution. Selon nous, la politique monétaire devrait rester en pause jusqu’à nouvel ordre.
Zone euro : une situation peu reluisante
Les statistiques conjoncturelles de la zone euro restent décevantes et bien inférieures aux prévisions. En difficulté, le secteur privé laisse augurer une possible récession économique. Le climat des affaires s’est dégradé tandis que les indices des directeurs d’achat ont atteint en octobre leur niveau le plus bas depuis trois ans. Les indicateurs du secteur manufacturier et des services continuent de s’enfoncer en zone de contraction. Les conditions de crédit ont continué de se durcir au troisième trimestre. Le marché du travail est solide, mais ralentit sous l’effet de la baisse des créations d’emploi. La confiance des consommateurs s’est stabilisée à un niveau très bas, tandis que la consommation des ménages privés s’inscrit en baisse, accélérant le recul des ventes de détail. La faible demande extérieure et les tensions géopolitiques pénalisent la production industrielle et restent problématiques pour les économies tournées vers l’exportation telles que l’Allemagne et l’Italie. Les effets de base ont grandement atténué la pression sur les prix en octobre, mais l’inflation sous-jacente reste trop élevée (4,2 %) et l’inflation globale pourrait repartir à la hausse sous l’effet de l’augmentation des prix de l’énergie.
Face au ralentissement rapide de la croissance et à l’inflation tenace, le dilemme reste le même pour la BCE : lutter agressivement contre l’inflation au risque de faire dérailler la croissance ou attendre trop longtemps au risque de laisser s’installer une stagflation dommageable. Comme pour la Fed, nous estimons que la BCE adoptera une position attentiste dans un premier temps.
Chine : des signes d’amélioration
Bien que toujours atone, la croissance chinoise a montré quelques signes d’amélioration au troisième trimestre. Afin de soutenir l’économie et le secteur immobilier toujours en difficulté, le Congrès national du peuple chinois a décidé de relever le plafond du déficit budgétaire de 3 % à 3,8 % du PIB. Les gouvernements locaux sont encouragés à émettre rapidement des obligations spéciales (« SPB ») afin de financer des projets d’infrastructures. La Banque populaire de Chine continue d’injecter des liquidités en abondance et enjoint les banques à octroyer des crédits aux promoteurs. Avec une accélération de la croissance du PIB au troisième trimestre (+1,3 % en rythme trimestriel), les incitations monétaires et budgétaires ciblées commencent à porter leurs fruits. La reprise portée par la consommation semble se généraliser avec une amélioration des ventes de détail et de la production industrielle en septembre. En revanche, les grandes difficultés du secteur immobilier continuent de peser sur les investissements. Les indicateurs avancés de l’activité économique future sont également revenus en zone d’expansion. La faible demande extérieure et les tensions commerciales avec les États-Unis et l’Europe continueront toutefois de peser sur la croissance chinoise à court terme. Le risque de déflation reste bien réel, avec une inflation globale inchangée à 0 % en octobre par rapport à l’année précédente et la baisse continue de l’indice des prix à la production (-2,5 % en comparaison annuelle).