Les États-Unis, moteur de la croissance
Par Luca Pesarini : Chief Investment Officer & Portfolio Manager chez ETHENEA
L'économie américaine continue de résister. Par contre, à l’autre côté de l’Atlantique, la croissance économique de la zone euro a continué de s'affaiblir au troisième trimestre. La Chine, entretemps, lutte contre les pressions déflationnistes et elle doit faire face à une attitude politique de plus en plus agressive de la part de ses partenaires commerciaux.
Dans l'ensemble, les risques sont actuellement équilibrés. Un atterrissage en douceur de l'économie mondiale est très proche. Le Fonds monétaire international (FMI) maintient ses prévisions de croissance du PIB mondial à 3,2 % pour l'année prochaine. Pour les États-Unis, l'estimation a été relevée de 1,9 % à 2,2 %, tandis que la prévision pour l'Europe a été abaissée de 0,3 % à 1,2 %. Les sondages conjoncturels continuent d'indiquer une contraction de l'activité dans le secteur manufacturier. Le secteur des services reste certes le moteur de l'économie mondiale, mais il perd peu à peu de son dynamisme.
L'économie américaine, contrairement à son homologue européenne, est très résistante. La Chine a annoncé qu'elle prendrait des mesures fiscales et monétaires fermes pour soutenir sa croissance. Au niveau mondial, la situation de l'inflation s'améliore. Dans un contexte de baisse des taux d'inflation, les banques centrales devraient progressivement baisser leurs taux d'intérêt jusqu'à la fin de l'année 2024 et en 2025. La Banque centrale européenne (BCE) pourrait être contrainte d'accélérer le rythme de son cycle d'assouplissement.
D'une part, une grande incertitude demeure en raison de l'augmentation probable des conflits commerciaux, des tensions géopolitiques et des déficits budgétaires élevés. D'autre part, la diminution de l'inflation, l'assouplissement de la politique monétaire et le renforcement de la reprise économique en Chine devraient donner une impulsion importante à l'économie mondiale au cours des prochains trimestres.
États-Unis : l’économie continue de résister
L'économie américaine continue de résister. Des signes récents indiquent une stabilisation grandissante. Au vu de données économiques solides, les craintes d'une récession se sont dissipées en octobre. L'estimation actuelle du PIB pour le troisième trimestre est de 2,8 % sur une base annuelle. Le revenu des personnes et les dépenses de consommation augmentent modérément, ce qui indique une économie refroidie, mais néanmoins en croissance. La demande des ménages est stable et les ventes au détail de septembre ont surpris positivement. Les futures baisses de taux d'intérêt devraient encore renforcer la confiance des consommateurs qui a récemment augmenté. La production industrielle est restée faible en septembre. En revanche, le secteur des services s'est sensiblement redressé en octobre, les prévisions et les entrées de commandes ayant nettement augmenté. Le dernier rapport sur le marché du travail a dépassé les attentes, avec une augmentation surprise de 254 000 emplois, des salaires moyens plus élevés et une baisse du taux de chômage à 4,1 %.
Ces chiffres indiquent qu'un atterrissage en douceur de l'économie est proche. L'inflation n'a que peu évolué en septembre. L'indice des prix à la consommation a baissé de 0,1 % pour atteindre 2,4 %, principalement en raison de la baisse des prix de l'énergie et des loyers. En revanche, l'indice des prix à la consommation de base a augmenté plus fortement que prévu, de 0,1 % à 3,3 %. L'économie étant stable, l'indice des prix à la consommation de base pourrait rester à ce niveau jusqu'à la fin de l'année.
Zone euro : signes de stagnation
La croissance économique de la zone euro a continué de s'affaiblir au troisième trimestre. La reprise s'essouffle et des signes inquiétants laissent penser que la zone euro pourrait retomber sur la voie de la stagnation après un bon début d'année 2024. Malgré un chômage à un niveau record de 6,4 % et des salaires en hausse, la reprise tant attendue de la consommation n'est pas au rendez-vous. Le taux d'épargne des ménages européens est plus élevé qu'avant la pandémie. Il s'agit d'une nette divergence avec l'économie américaine. Les sondages sur l'activité économique indiquent une contraction de l'activité en octobre pour le deuxième mois consécutif. Un net ralentissement du secteur industriel en Allemagne et du secteur des services en France est à noter. La périphérie de la zone euro s'en sort nettement mieux.
Si l'on regarde vers l'avenir, la nécessité de consolider les budgets constitue un obstacle supplémentaire à la croissance européenne. En raison de la baisse des prix de l'énergie, l'inflation a chuté à seulement 1,7 % en septembre. L'objectif de la BCE n'a donc pas été atteint. Alors que l'inflation de base a légèrement baissé à 2,7 %, l'inflation des services s'est maintenue à 3,9 % sur une base annuelle. Même si les effets de base seuls feront augmenter l'inflation jusqu'à la fin de l'année, nous nous attendons à ce que la trajectoire de désinflation se poursuive. Ainsi, après trois baisses de taux de 25 points de base chacune, la porte s'ouvre à de nouvelles baisses de taux, éventuellement plus importantes, dans les mois à venir. Compte tenu des risques baissiers qui pèsent sur l'économie européenne, nous estimons qu'une accélération du cycle de baisse des taux par la BCE est appropriée et probable.
Chine : lutte contre les pressions déflationnistes
Le PIB chinois a progressé de 4,6 % sur une base annuelle. L'économie chinoise est en proie à la faiblesse de la demande intérieure, à un taux de chômage élevé et à une crise immobilière. La confiance des consommateurs et les investissements en actifs tangibles s'en trouvent affectés. La Chine lutte contre les pressions déflationnistes et doit faire face à une attitude politique de plus en plus agressive de la part de ses partenaires commerciaux. Le fait que les indicateurs avancés de l'industrie manufacturière aient quitté la zone de contraction doit être considéré comme une lueur d'espoir.
En revanche, le même sondage pour le secteur des services indique un ralentissement pour la première fois depuis décembre de l'année dernière. La déflation s'installe de plus en plus et il est difficile d'y remédier. En septembre, l'indice des prix à la consommation n'a augmenté que de 0,4 % et l'indice des prix à la consommation de base de 0,1 % sur une base annuelle. En revanche, les prix à la production ont baissé de 2,8 % en glissement annuel. Inquiètes de l'affaiblissement de la dynamique de croissance, les autorités chinoises ont annoncé fin septembre un virage politique important.
Pékin a considérablement intensifié ses efforts et annoncé un ensemble de mesures larges et complètes pour atteindre son objectif de croissance annuelle. La PBoC a dépassé les attentes en abaissant plusieurs taux directeurs et en réduisant les taux de réserves obligatoires à leur niveau le plus bas depuis 2018. Elle a également réduit le coût du crédit pour le secteur immobilier et annoncé des plans de stabilisation du marché. Le Ministère des finances a laissé entendre qu'il allait procéder à une révision budgétaire afin de soutenir le secteur immobilier, de résoudre le problème de l'endettement des collectivités locales et de renforcer le capital des grandes banques publiques.
Aucune mesure fiscale concrète n'a été prise jusqu'à présent. Les décideurs politiques se sont contentés de promettre des « dépenses fiscales nécessaires » pour stimuler le marché du travail, soutenir la consommation des ménages et stabiliser le marché immobilier. La dernière combinaison de mesures pourrait marquer un tournant dans la politique de relance de Pékin. Faute de détails, les marchés financiers n'ont pas encore été totalement convaincus.