Qu’importe ce que je disais hier
Par Christian Schmitt, Senior Portfolio Manager, Ethenea
Un degré important de flexibilité est le prérequis indispensable pour parvenir à s’adapter à une situation qui évolue. À première vue, on peut avoir le sentiment qu’il est nécessaire de s’ancrer dans le passé avec obstination. Pourtant, le fait de ne pas assez regarder vers l’avenir peut avoir des conséquences fatales.
Quatre mois pile se sont écoulés depuis le début de l’année 2020. En cette courte période, nous avons tous été témoins de multiples événements que presque personne n’aurait imaginé début 2020. Des ordonnances politiques ont mis à l’arrêt une grande partie de l’économie mondiale, ainsi que toute vie privée et sociale. Dans le même temps, les marchés financiers ont parcouru de véritables montagnes russes, avec de nombreuses fluctuations d'une vitesse et d'une ampleur jamais vues auparavant. Si l'on pouvait effectivement s’attendre à des records dans les plans d’achats d’obligations des banques centrales et les mesures de politique budgétaire des gouvernements, la surprise du mois d’avril a peut-être été l’effondrement des cours pétroliers, et notamment du prix de référence du brut West Texas Intermediate (WTI), qui est devenu négatif. Dire qu’en janvier encore, nous nous attendions, et légitimement, à une année 2020 plutôt monotone... « blabla du passé »!
Compte tenu des tout derniers développements, les prévisions relatives aux huit derniers mois de l’année s’inscrivent actuellement dans une vaste fourchette, que l’on peut résumer par « tout est possible, rien n’est obligatoire ». La plupart du temps, les prévisions fonctionnent à partir d'un scénario de base accompagné de deux alternatives (l’une optimiste et l’autre pessimiste). Les scénarios envisagés par les investisseurs sont particulièrement divergents en ce qui concerne les conséquences économiques de la crise. À cet égard, nous n’aurons pas la prétention d’avoir une vision plus approfondie, ni meilleure, que celles de cabinets d’analyse économique d’une envergure bien supérieure à la nôtre. Le succès à long terme de l’investissement dépend davantage de la classification des différents scénarios macroéconomiques et de leur transposition intelligente au sein des portefeuilles. Par exemple, où risque-t-on de subir durablement des pertes en capital ? Quelles évolutions de l'économie réelle sont déjà anticipées par les marchés ? Ainsi, notre mission consiste à nous demander quels événements sont déjà intégrés dans les prix du marché et où peuvent se situer les risques et les opportunités.
Outre l’incertitude importante entourant les perspectives de l'économie, il existe une autre raison, qui ne doit pas être sous-estimée, pour expliquer l’extrême diversité des points de vue sur les marchés : le manque de flexibilité. Seule une gestion affranchie des contraintes d’un indice de référence, et disposant ainsi de toutes les opportunités d’allocation d’actifs et de sélection des titres, est en mesure d’agir vraiment librement et de prendre des décisions en toute connaissance de cause. En l’absence de cette latitude, l’analyse objective devient trop vite éclipsée par des aspirations subjectives. C’est ainsi qu’un positionnement de portefeuille sur lequel il ne peut y avoir qu’un contrôle limité finit par prendre le pas sur les propres anticipations du gérant sur l'évolution du marché, alors que c’est exactement l’inverse qui devrait se produire.