Revirement des taux d’intérêt ou début d’une nouvelle ère ?

Par Christian Schmitt, Senior Portfolio Manager chez Ethenea

Le coffret de magie des banques centrales, qui a rendu de si beaux services à la quasi-totalité des classes d’actifs au cours de ces 13 dernières années, devra prochainement être mis au placard. Les participants au marché vont devoir réapprendre à faire face aux baisses de cours. C’est là le véritable changement auquel les investisseurs vont devoir se préparer.

Le revirement des taux est actuellement sur toutes les lèvres. Alors que les épargnants souhaitent ardemment que leurs livrets d’épargne soient mieux rémunérés, les investisseurs redoutent la hausse des taux d’intérêt.

Les investisseurs ​ voient dans une augmentation du taux de référence sans risque une menace pour la valeur de leurs investissements en obligations, actions, immobilier et matières premières. Mais cette menace est-elle bien réelle ? Le lien entre les taux d’intérêt – et surtout les rendements à long terme – et les marchés susmentionnés repose avant tout sur deux éléments :

  1. L’attrait relatif : les investisseurs comparent en permanence les profils risque/rendement des différentes alternatives de placement. Plus les rendements absolus des titres à revenu fixe augmentent, plus ils sont perçus comme attractifs par rapport aux alternatives disponibles.
  2. La valorisation fondamentale : tous les revenus futurs (coupons, revenus locatifs, dividendes, bénéfices, chiffres d’affaires ou plus-values attendues) doivent être actualisés pour déterminer la valeur actuelle. Le facteur d’actualisation nécessaire à cet effet se compose du rendement sans risque et d’une prime de risque spécifique à chaque placement. Donc, plus le rendement sans risque augmente, plus le facteur d’actualisation est élevé et plus la valeur actuelle du placement diminue.

Selon nous, l’influence de ces deux facteurs est actuellement surestimée par le marché. Certes, les rendements ont enfin augmenté et semblent donc, de prime abord, nettement plus intéressants qu’il y a un an. Mais l’inflation accrue est actuellement le moteur principal de cette évolution. N’oublions pas que les obligations sont des placements nominaux. Autrement dit, l’investisseur reçoit un taux d’intérêt fixé aujourd’hui par exemple sur les 10 prochaines années (dans le cas du Bund, ce serait environ 0,14 % par an au 28 février 2022), puis récupère le capital initial investi, par exemple 100 euros, au bout de 10 ans. Personne ne peut prédire quel sera le pouvoir d’achat réel de ces 100 euros en 2032. Mais alors que l’inflation s’établit à 5,1 % en Allemagne et que le marché anticipe actuellement une inflation de 2,1 % par an sur les 10 prochaines années, on peut s’attendre à une perte de pouvoir d’achat sensible. En bref : compte tenu de tous les facteurs pertinents, dont les anticipations d’inflation, les investissements obligataires nominaux restent, malgré la hausse récente des rendements, structurellement peu attrayants par rapport aux placements réels que sont les actions, l’immobilier oules matières premières.

Des liaisons dangereuses entre les politiques monétaire et budgétaire

On peut tout à fait parler d’une nouvelle ère sur les marchés financiers qui modifiera durablement, au moins dans les prochaines années, l’environnement que les investisseurs, notamment en actions, ont appris à connaître et à apprécier depuis la crise financière mondiale. Il s’agit donc moins des taux d’intérêt que de l’attitude des grandes banques centrales, et plus particulièrement de la marge de manœuvre dont elles disposeront à l’avenir.

Dans les années qui ont suivi la crise financière, les banques centrales ont injecté des liquidités en masse pour atténuer les effets des nombreux problèmes économiques qui surgissaient au fil du temps. Le nouvel arsenal monétaire élargi s’est révélé être un véritable coffret de magie. Et les investisseurs l’ont accueilli à bras ouvert. L’envolée des cours après les crises est devenue la règle, plus rien ne semblait représenter une menace à prendre au sérieux. Le « Fed Put » était alors sur toutes les lèvres : En cas de doute, les banques centrales feront le nécessaire et les cours repartiront à la hausse. Les politiques monétaire et budgétaire ont commencé à entretenir des liaisons dangereuses. Et ce, alors que nombre des défis sortent du champ de compétences des banques centrales et qu’un financement public par les banques centrales est un sujet férocement tabou. Mais comment cette situation a-t-elle pu durer aussi longtemps ? Parce que tout s’est fait sous le couvert de la stabilité des prix.

Pendant des années, les taux d’inflation à travers le monde sont restés inférieurs à l’objectif visé de 2 %. Les mesures non conventionnelles devaient contribuer à rapprocher l’inflation du niveau cible de 2 %. Afin de ne pas devoir se défaire trop précipitamment de cette boîte à outils devenue si précieuse lorsque le seuil des 2 % est atteint, les banques centrales n’ont eu de cesse de trouver de nouvelles excuses (p. ex. les anticipations d’inflation doivent désormais être ancrées près du seuil de 2 % pour les années à venir) ou d’élargir et d’assouplir les objectifs de politique monétaire. C’est ainsi qu’en 2020, la Fed a introduit le « ciblage de l’inflation moyenne »1 tandis que la BCE a récemment revu sa stratégie de politique monétaire afin de pouvoir utiliser les mesures non conventionnelles de manière encore plus efficace en cas de doute.

La fin des conditions de rêve

Les investisseurs, propriétaires immobiliers et spéculateurs auraient pu continuer à profiter de ces conditions de rêve si, après toutes ces années d’injections de liquidités, l’inflation ne s’était pas brutalement envolée au-dessus du seuil de 2 % en 2021. Dans un premier temps, beaucoup y ont vu un phénomène provisoire qui n’appelait aucune action immédiate. Les propos tenus par le Président de la Fed, Jerome Powell, lors d’une conférence de presse en juin 2020 (« We’re not thinking about raising rates, we’re not even thinking about thinking about raising rates »2) sont devenus un mantra fréquemment récité.

Mais depuis, la donne a changé. Si à l’automne 2021, le premier relèvement de taux n’était pas attendu avant 2023 aux États-Unis, le marché prévoit désormais jusqu’à sept relèvements de taux sur la seule année 2022. L’inflation tant attendue s’est avérée bien plus persistante, forte et généralisée que prévu. Par ailleurs, les pénuries de travailleurs et de main-d’œuvre qualifiée (ouvriers comme cadres) risquent d’engendrer une spirale salaires-prix qui pourrait ancrer l’inflation à des niveaux bien supérieurs à 2 % dans les prochaines années. Fait aggravant supplémentaire, certains changements structurels et facteurs exceptionnels, sur lesquels les banques centrales n’ont globalement pas de prise, ne plaident pas en faveur d’un retour prochain de l’inflation en dessous du seuil de 2 %.

L’inflation durablement élevée dans le contexte du plein-emploi actuel contraint les investisseurs à dresser un constat simple, mais cruel : le coffret de magie des banques centrales qui a rendu de si beaux services à la quasi-totalité des classes d’actifs au cours de ces 13 dernières années devra prochainement être mis au placard aux côtés du « Fed Put », tout aussi apprécié des investisseurs. Dans le contexte actuel, les mandats des banques centrales ne peuvent tout simplement plus délivrer les généreuses aides du passé. Les participants au marché vont devoir réapprendre à faire face aux baisses de cours. L’ange gardien auquel ils s’étaient habitués ne sera plus là au prochain coup dur. C’est là le véritable changement auquel les investisseurs vont devoir se préparer. Peu importe si le revirement des taux d’intérêt se concrétise ou soit – une fois de plus – reporté.


1 En 2020, la Réserve fédérale américaine a introduit un objectif d’inflation moyenne dans le cadre de sa stratégie de politique monétaire à long terme. Cette stratégie permet à l’inflation d'augmenter et de diminuer, de sorte qu'elle s'élève en moyenne à 2 % au fil du temps.

2 En français : « Nous n’envisageons pas de relever les taux d'intérêt, nous n’envisageons même pas d’envisager un relèvement des taux. »

Christian Schmitt
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